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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/108

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faire causer les vieux notaires, confidents de nos grands pères et spectateurs de tant de scènes de comédie qui menacent de rester inédites, étouffées entre un contrat de mariage et un testament.

Je n’ai point l’intention de tenter ici l’œuvre piquante que j’indique à ceux qui ont tout ce qu’il faut pour la mener à bonne fin : le goût des anecdotes, l’art du récit, l’amour de la gaîté, la passion des originaux. Je veux seulement suspendre dans un coin du Foyer un léger croquis d’un type qui vient de se montrer plaisamment dans une comédie des mieux montées et dont tous les acteurs ont, fort involontairement, rempli à merveille les rôles que leur avait assignés l’auteur.

Le faible de bien des gens parmi nous, c’est de croire qu’ils ont eu d’illustres ancêtres ou des aïeux millionnaires. Chacun a son château en Espagne ou en Allemagne. Les uns isolent de leur nom roturier le de par lequel il commence, et le transforment en particule noble ; les autres escomptent la fortune qui ne peut manquer de leur arriver du fond de la Bretagne, d’un jour à l’antre. À la dynastie éteinte des Oncles d’Amérique, nous voulons substituer la branche cadette des Oncles d’Europe. Il y en a à qui on annoncerait demain qu’ils sont les cousins du roi de Prusse qu’ils n’en seraient aucunement surpris. Ils feraient de suite leurs malles pour Berlin, afin d’aller réclamer leur part du butin de Sadowa. La fantasmagorie de la succession Bonnet a fait ici de nombreuses victimes.

Le but secret de plus d’un voyage en Europe, c’est de se découvrir des origines aristocratiques ou d’aller prendre possession de quelque château en ruines. À force de recherches, plusieurs finissent par trouver, au fond d’une vieille ville de province, d’antiques parentes trop bien conservées, qui leur demandent des pensions viagères. En sentiment respectable se mêle sans doute à cette curiosité. On aime à renouer la tradition, à remonter le courant jusqu’à la source inconnue ;