Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/120

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L’automne nous a apporté le beau temps que l’été ne nous avait pas donné. Quelle charmante saison ! Il faudrait être poitrinaire pour la trouver triste ; et encore ces pauvres cœurs souffrants éprouvent-ils à la vue des feuilles qui tombent un doux sentiment de sympathie, un pressentiment de délivrance. C’est la mort qui approche voilée et qui étend lentement la main sur ses victimes.

Pour ceux qui ont la santé, la gaîté, l’automne vaut le printemps. La saison, légèrement assombrie, a une douceur infinie, un charme d’une mélancolie pénétrante. Les feuilles jaunies ou rougies font aux arbres une parure de la nuance la plus délicate et la plus ravissante. C’est le temps des pommes, des beaux fruits fermes et sains.

Si vous aimez la nature, allez dans les bois jonchés de feuilles, courez les champs dont l’herbe se fane ; et dites-moi ensuite si ce soleil voilé de l’automne n’échauffe pas doucement le cœur ! Le sang coule vigoureusement dans les veines et l’imagination déploie largement ses ailes dans un ciel serein. La récolte est meilleure que la pluie ne permettait de l’espérer. J’ai remarqué que chaque année on désespère trop vite du grain ; il finit par valoir mieux que l’opinion qu’on exprimait, généralement, sur son compte. Au printemps on est plein d’espérances ; mais vers le milieu de l’été on n’hésite pas à déclarer la récolte manquée. Quand tout le grain est rentré, on s’aperçoit qu’elle est bonne. Même dans les meilleures années, on n’admet cette vérité consolante qu’au dernier moment et lorsqu’il n’est plus possible d’en douter. Cette année, il y avait toutes les raisons du monde de se décourager, et il faut constater avec bonheur que la pluie ne nous a pas fait autant de mal qu’elle semblait le désirer.