Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/147

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De temps à autre, nous fondions une association pour promouvoir les études légales parmi nous. On se mettait en société pour étudier Pothier. Chacun en apprenait quelques chapitres et faisait ensuite profiter les autres de son savoir. Je recommande le procédé aux étudiants qui ne veulent pas s’instruire : il est infaillible.

Le cours volontaire commençait bien, mais ne tardait pas à se dissiper. Deux ou trois d’entre nous avaient la bosse de la discussion, une bosse terrible !

Ils mettaient en doute un point obscur et le débat commençait. Lorsqu’on voulait reprendre le travail interrompu, ce n’était plus possible : les têtes étaient en l’air et les langues déliées. Alors celui qui avait un roman ou un volume de poésie en poche, le sortait de sa cachette et la soirée était perdue pour Pothier.

Nous étions là douze ou quinze qui avons appris le droit de cette façon.

En ce temps-là, on admettait les gens au barreau sur leur bonne mine. Si, en vous rendant à votre examen et en prenant place sur la sellette vis-à-vis vos examinateurs, vous aviez l’air de savoir le droit, votre affaire était bonne : vous étiez admis d’emblée.

De ces douze ou quinze camarades, cinq ou six sont parvenus. Les trois ou quatre qui sont restés un peu en arrière, étaient précisément ceux que l’on croyait voir arriver promptement au but. La route est semée d’accidents, et il ne suffit pas d’avoir de bonnes jambes pour dépasser les autres. L’un avait le goût des citations et l’a toujours conservé ; l’autre était doué d’un rire formidable qu’il lâchait à chaque plaisanterie. Il se présente en ce moment pour la Chambre Locale et s’il est élu, comme je l’espère, je l’entendrai rire de mon bureau. Cela me rappellera le temps passé et me distraira de mes articles.