Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/168

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de l’hospitalité, ni causer des pertes aux assurances sur la vie. Puissent les Américains rendre la politesse à nos compatriotes qui voyagent aux États-Unis ! Il n’y faudrait pas trop compter cependant ; en général, nos voisins manquent de bons procédés internationaux. Le cabinet de Washington tutoie les cabinets européens, et les plus petits états de l’Union traitent les grandes puissances comme des camarades.

Les bateaux et les trains sont remplis de Yankees, de ce temps-ci. Le train qui me portait en avait sa bonne part. Je les ai vus là tels qu’ils sont toujours en voyage. Ils lisent le New York Herald, achètent des fruits à chaque station et interrogent les gens en mettant les pieds, par un geste familier de la botte, sur les rebords des sièges, à la hauteur des oreilles de leurs interlocuteurs. Ils veulent se rendre compte de tout et rien ne leur échappe.

Deux d’entre eux, qui s’étaient assis dans mon voisinage, étaient fort intrigués par la présence insolite d’un poêle dans un coin du char.

On a peut-être remarqué que la Compagnie du Grand Tronc, justement soucieuse d’épargner à ses employés les grands travaux, ne fait pas démonter au printemps les poêles des chars. Ils sont tout prêts pour l’automne et passent l’été à rappeler au voyageur, enclin à se plaindre de la chaleur et de la poussière, les rigueurs des hivers et l’inconvénient des frimas.

Mais ces considérations philosophiques échappaient à nos deux Américains, qui, de temps à autre, jetaient des regards inquiets vers ce représentant légèrement rouillé d’une autre saison. Chaque fois que le conducteur du train passait, ils le suivaient des yeux avec une anxieuse curiosité pour voir s’il n’allait pas par hasard allumer le feu. Ils ne pouvaient rester longtemps sous ce doute poignant. La lumière tardant à se faire sur ce mystère, ils interrogèrent un de leurs voisins.