Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/183

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disait-il. Mais voyant que cela durerait toujours, il entra dans une grande colère. Ce qui contribuait beaucoup à le mettre en cet état, c’est qu’il n’était pas lui-même très-content de son sort. Agacé par une épouse fort acariâtre, il ne goûtait guère aucun des plaisirs qu’il s’était promis pour l’époque où il serait enfin séparé de nous.

C’est alors que notre rival vexé fit courir le bruit, qu’à Québec, l’on passait le temps à s’aimer.


Hier, j’ai assisté aux Adieux de Fontainebleau, et j’en suis encore tout ému.

Tous avez vu, sans doute, dans la salle à dîner de quelque auberge, au Bout de l’Île ou à Lanoraie, une ancienne gravure enfumée, représentant Napoléon se jetant au cou d’un vieux brave tout en larmes, dans la cour de ce château célèbre. Mille héros contemplent ce spectacle avec un attendrissement qui se sent, nonobstant le peu d’art du graveur ; et le mouchoir du grand Empereur sort de la poche de son paletot, comme pour indiquer que, lui aussi, il est à la veille de verser un pleur.

Le gouvernement se séparant de sa fidèle Législature, m’a rappelé cette gravure glorieuse.

Au lieu de vétérans, ici c’étaient de jeunes soldats terminant leur première campagne et s’éloignant à regret des chefs qui les ont conduits au feu. Les pleurs n’en étaient que plus sincères. Rien n’est cher à un député comme le ministère qui a reçu son premier vote, entendu ses premiers discours. Il n’oublie jamais la figure qui lui a souri lorsqu’il s’est levé pour dire d’une voix affaiblie par l’improvisation : Monsieur l’Orateur. Il la revoit encore au dernier moment de sa carrière publique.

Plus d’un député aurait aimé à faire durer la session toute l’année. De temps à autre, chacun aurait adressé à ses élec-