Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/213

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Il faut répondre à tout, il faut tout dire, se rappeler la couleur des robes, l’ameublement des salons, la tenue des bonnes ; trouver dans son cerveau épuisé des images nouvelles, dans sa gorge serrée des accents chaleureux ! Dans votre salon, vous recommencez les courses que vous venez de faire dans les rues. Vous allez encore une fois de maison en maison, répétant ce que vous avez dit et ce que l’on vous a dit. Vous ressemblez à un cheval qui tourne sur lui-même dans un manège.

Vos visites sont finies, mais les joujoux apportés le matin par Santa Claus ne sont pas encore cassés. Le tambour n’est pas crevé, le fusil lance le pois à merveille. Seulement, si vous êtes las, les enfants sont blasés. Ils ont trop joué. Ils ne savent plus que faire ni de leurs jouets ni d’eux-mêmes. Il ne leur reste plus qu’à pleurer. Ils s’y mettent, et on ne peut les consoler qu’en les dépouillant de tout ce qu’on leur avait donné pour les rendre heureux. Ils sont comme nous autres, grands enfants : heureux seulement lorsqu’ils n’ont plus qu’à songer à ce qu’ils avaient, qu’à rêver à ce qu’ils auront.

Visites faites, enfants couchés, le même mot s’échappe de toutes les poitrines : Voilà une bonne journée de finie. Ce qui veut dire : on est bien content qu’il y ait un Jour de l’An, mais il n’en faudrait pas deux dans la même année !