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Troisième Électeur. — Demande qu’on en vienne aux coups de poing : cet argument lui étant toujours favorable dans la discussion des grands intérêts de la patrie ou autres.

L’amoureux de la fille du candidat. — Personnage politique distrait, pensant à la fille en parlant du père, et poussant sa candidature matrimoniale sous le couvert de la candidature politique.


SCÈNE I.

La scène représente un salon d’auberge à la campagne. Dix personnes sont réunies autour d’une table, sur laquelle il y a un pot de bière, une carafe de whiskey, du tabac, des pipes culottées, et deux ou trois volumes des Statuts Provinciaux. Chaque assistant, enveloppé dans un nuage de fumée, est invisible à deux pas de distance.

Le Marchand. — Vous savez, messieurs, pourquoi vous êtes réunis ici ce soir ; c’est pour aviser aux moyens d’assurer l’élection de notre candidat. Nous connaissons tous, messieurs, sa capacité, ses talents, je pourrais dire, ses vertus : nous savons quels services il rend à la paroisse, depuis quinze ans qu’il se mêle des affaires de la Fabrique et de celles de la Municipalité. On l’a accusé de les embrouiller, d’y faire des bénéfices, de favoriser ses amis, d’avoir fait partir notre curé, l’année dernière ; mais vous savez bien que tout cela a été pour notre bien. Sans lui, nous n’aurions jamais pu me faire élire marguillier, malgré M. le curé. C’est un citoyen, messieurs, c’est tout dire ; et de plus un homme qui entend les affaires. Ça prend bien des avocats pour le mettre dedans. Jamais personne ne peut se vanter de l’avoir fait taire, ni adhérer à ses raisons. La rivière ne contient pas autant d’eau qu’il a de paroles, et elle tarira avant lui. Elle, plus elle coule, plus elle est claire ; lui, plus il parle, plus il embrouille les choses pour y perdre ses adversaires. — Quant à nous, messieurs, chacun sait que nous avons une grande influence, et que lorsque nous passons par une porte, quelque petite qu’elle