Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/226

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Le Candidat. — Cependant, Monsieur, je ne suis pas riche, j’ai trois fils au collège et une fille au couvent, cette année ; je ne puis pas payer mes concitoyens pour les servir.

L’Orateur. — Alors, pourquoi m’avez-vous fait venir de la ville ? Si vous m’aviez écrit : « Monsieur, je veux me présenter, mais je ne veux pas dépenser d’argent ; » je vous aurais répondu : « Monsieur, vous êtes fait pour la vie privée, la vie publique irait mal à vos illusions. Gardez la chambre, vivez à l’ombre de votre femme, et ne vous enrhumez pas en sortant au grand air ; » et je serais, en ce moment-ci, à plaider une affaire très importante à la Cour de Circuit.

Je reprends le fil de mon discours.

Si vous voulez être élu, il vous faut des fonds de guerre, il faut que vous mettiez de suite, à la disposition du comité, la somme jugée nécessaire, d’après le bilan des frais probables que nous allons établir. Il faut que vous vous attendiez à des augmentations ; le premier budget est toujours dépassé. On met les prix trop bas pour ne pas effrayer les capitaux du candidat, habitués à la stagnation ou aux petites opérations. Vous voyez que je parle net ; c’est que je veux une résignation immédiate ou une bonne lutte. Dans l’action je suis toujours pressé ; un homme qui marche toujours est certain d’arriver à quelque chose. — J’ajoute qu’après votre élection il faudra vous attendre, lorsque vous enverrez des comptes à vos débiteurs, à recevoir des réponses comme celle que voici :

Monsieur,

J’ai reçu avec beaucoup de surprise, votre lettre me demandant le paiement d’une somme de $16 due depuis deux ans seulement, sur règlement de la succession de ma grand’mère. Vous oubliez que j’ai voté pour vous. La reconnaissance vous serait-elle déjà à charge ?. Êtes-vous pressé d’être ingrat ? Je me laisserai poursuivre pour montrer à vos électeurs comment vous tenez compte de ce qu’on fait pour vous.