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LA CHAMBRE LOCALE À VOL D’OISEAU

tionnaires éclatèrent comme des coups de tonnerre aux oreilles du prédicateur, qui n’avait pas encore quitté la chaire.

Parfois aussi, quelque orateur populaire cède à la tentation de répéter en petit comité, afin de prouver que c’est uniquement par modestie qu’il ne parle pas en Chambre, une harangue fameuse qui a décidé la victoire dans une grande bataille électorale.

Règle presque invariable : tout député qui ne prend pas la parole durant la première session à laquelle il assiste, est destiné à garder le silence durant toute sa carrière parlementaire. Ceux qui ne voient pas le feu de suite, aux premières batailles, n’osent pas plus tard se jeter dans la mêlée et remettent la partie de combat en combat. Les gens qui font le plus de bruit à la porte des églises sont souvent ceux qui en font le moins dans l’enceinte législative. Leurs collègues les glacent. La crainte de prêter à rire à leurs adversaires les clouent sur leurs sièges. On a vu des foudres de guerre qui avaient ravagé des comtés entiers, venir s’éteindre ainsi sur le seuil parlementaire.

De retour dans ses foyers, le député qui n’a dit mot durant la session, éprouve le besoin de se justifier de ce mutisme prolongé. À l’en croire, c’était dans les comités qu’il s’épanchait. Les hommes sérieux ne parlent que là ; ils laissent la déclamation aux jeunes et les grands discours aux chefs, se réservant pour les entretiens serrés, les discussions bien nourries, où les ministres puisent les éléments des lois et les lumières nécessaires pour éclairer la route de l’État. Il aurait fallu l’entendre lorsqu’il déployait cette logique dont les habitués de la Chambre ne soupçonnaient même pas l’existence. Le vote suivait de près ses dissertations lumineuses.

À côté du député qui, avare de ses discours, ne parle que dans les comités, il faut placer le député qui présente à chaque session les deux ou trois mêmes bills. Son nom est attaché à certaines questions, et personne n’a droit d’y toucher que lui.