tout son long sur la glace ; ou il se risque avec précaution et ne fait que s’y affaisser tranquillement.
Le premier mouvement de l’exercice du patin est invariable, c’est une chute ; tout ce que l’on peut faire est d’en amortir la violence. Sachant le sort qui les attend, maints débutants se laissent de suite glisser entre les bras de ceux qui les soutiennent. Les gens qui vous relèvent manquent de compassion ; pendant que vous vous plaignez de votre mauvaise chance et que vous frottez vos côtes endolories, ils vous poussent au sein des plus grands périls : le tourbillon des patineurs vous entraîne, il faut suivre sous peine d’être écrasé, la nécessité vous donne de l’aplomb ; et voilà comment on apprend à patiner !
Il y a patineur et patineur ; le talent, ici comme sur la terre ferme, n’est pas la règle générale. Quand on a appris à ne plus tomber, on est encore loin de savoir à fond cet art qui, sur la glace, est le premier des arts. Le beau patineur, celui qui s’élance avec grâce, qui passe, léger et rapide, au milieu des groupes, décrit toutes sortes de figures capricieuses, relève d’un clin d’œil ceux qui tombent, entraîne ceux qui hésitent, soutient ceux qui chancellent : celui-là est le roi du rond, et ne pose pas qui veut sur son front ce diadème qui fond au printemps.
Il y aurait ici une question délicate à traiter, mais je n’ose ; ce serait celle de savoir si la femme, dont la démarche gracieuse et légère contraste si fort à son avantage avec le pas lourd de l’homme, ne perd pas en partie sa supériorité une fois montée sur des patins ? Ce qu’il y a de certain, c’est que sur la glace elle ne règne plus seule et que son esclave lui dispute la palme de la rapidité et de la grâce. S’il faut prendre l’avis des juges compétents, de ce cercle de patineurs à la retraite qui font station près des ronds, racontant leurs exploits de jeunesse et critiquant les héros du jour, il y a plusieurs excellents patineurs pour une bonne patineuse.