Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/65

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S’il fallait aussi en croire ces vétérans du patin, les patineurs auraient dégénéré. Nos pères valaient mieux que nous sur la glace comme ailleurs. Un tel que vous voyez aujourd’hui cassé par les rhumatismes et essoufflé par l’asthme, éblouissait des éclairs de son patin les belles de son temps ; cet autre, qui traîne le pied, faisait ses vingt lieues sans s’arrêter ; ce troisième vous montre les patins rouillés qui lui furent offerts en 1825, comme témoignage d’admiration, par l’élite des patineurs de Québec. Sur ce sujet on ne tarit plus : le passé a cela de bon qu’on peut l’apprêter à toutes les sauces, et qu’à celui qui raconte, du moins, il paraît toujours nouveau.

La rue St. Jean soutient bravement la concurrence du pont de glace ; les piétons et les équipages y abondent au moment même où le fleuve est couvert de patineurs et de patineuses. Le départ des employés du gouvernement n’a pas diminué notre population autant qu’on le pense à Ottawa. À nous voir même plus gais que jamais, on ne croirait pas que nous venons de perdre un gouvernement ! À peine veuve d’un époux qui se croyait tendrement aimé, la ville secoue son deuil ; et c’est l’époux qui, dans sa tombe, à Ottawa, enrage de voir combien peu on l’a pleuré.

Osons le dire : la politique assombrissait Québec. Le ciel était trop souvent couvert de députés. La Chambre faisait concurrence aux salons ; ses séances empêchaient les soirées. La société comptait sur les ministres pour l’amuser ; or comme les ministres étaient trop occupés à fonder une nouvelle nationalité pour la faire danser, la société s’ennuyait.

Lorsque le gouvernement est parti, nous avons eu un mauvais quart d’heure. Un instant, on nous a vus errer sur les remparts, languissants et éplorés. Puis, le courage nous est revenu, nous nous sommes dit qu’après tout nous pouvions