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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/74

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soumettre et d’accepter le pensionnaire inattendu que lui imposait un sort rigoureux. Depuis lors cependant, le volontaire, d’abord si mal reçu, a été si discret, si aimable, si obligeant, qu’il a conquis les bonnes grâces de son hôte ; ils sont devenus inséparables. Le jeune militaire lui raconte des histoires du camp de Laprairie qui le font se rouler dans son fauteuil et digérer en quelques minutes de copieux repas qui mettaient auparavant des heures à franchir les obstacles que leur opposait une dyspepsie obstinée. La jeune fille aidant, le riche marchand désire maintenant s’attacher par les liens d’une étroite parenté ce causeur si spirituel, ce convive si désopilant. Le mariage aura lieu aussitôt qu’on aura la certitude que la lune de miel ne sera pas troublée par un ordre soudain de partir pour la frontière, ou par l’apparition d’un Fénien.


28 mars.

Il n’est presque plus question des Féniens. De temps à autre encore, les journaux officieux annoncent que la tête de la première colonne de l’armée de Sweeney vient d’apparaître en quelqu’endroit obscur de nos frontières ; mais le public, devenu incrédule, ne se dérange pas pour y aller voir ; et le lendemain, on apprend avec certitude que ce n’était qu’une colonne de fumée montant en paix dans les airs.

C’est à qui raillera agréablement l’invasion qui n’a point eu lieu et narguera le fantôme évanoui. Les gens qui redoutaient le plus les Féniens et qui, tous les soirs, tiraient le verrou