Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/79

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par laquelle il était habitué à voir passer ses amis et à regarder défiler le cortège varié des passants, au chien de son voisin qui, régulièrement, aboyait en entendant retentir la sonnette de la porte. Il regrette ses vieux habits lorsque l’usage, la mode ou sa femme, lui commande de les quitter. Il y a même des gens, esclaves de l’habitude, qui ne savent que faire quand leur accès ordinaire de rhumatisme se fait attendre. Sans douleur, ils se sentent désœuvrés.

Durant les quinze jours qui suivent le déménagement, on va de temps à autre, entraîné par le courant de l’habitude, frapper à son ancien logement. Assez souvent, vous n’attendez pas que l’on soit venu ouvrir pour vous apercevoir de l’erreur et vous fuyez comme un malfaiteur ou un gamin qui sonne aux portes. Parfois cependant, ce n’est qu’en entrant dans votre chambre garnie de meubles étrangers, que l’illusion se dissipe.


Le déménagement fini, le malheureux locataire n’est point au bout de ses tribulations. Une nouvelle série d’épreuves commence pour lui. Il subit le martyre de la propreté. On lave les planchers au-dessous de lui, les plafonds au-dessus ; l’humidité qui monte et l’eau qui ruisselle l’imbibent des pieds à la tête et le mettent en état de prendre des rhumatismes.

L’ordre ne se rétablit qu’avec le temps, malgré les soins les plus diligents. Ce n’est qu’après huit jours que chaque chose est bien à sa place et que l’on commence à s’acclimater dans sa nouvelle demeure. Avant cela, il faut faire des perquisitions pour retrouver ses cols et lancer des mandats d’arrestation pour rattraper ses gilets de flanelle.