Page:Fabre - Julien Savignac, 1888.djvu/20

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vous serez satisfait. Tout à l’heure, j’ai rencontré l’entrepreneur Brunet, qui bâtit une manufacture sur l’Ergue ; je lui ai demandé une place pour vous. Vous n’avez pas voulu devenir avocat, prêtre, médecin ; vous serez maçon. Demain matin, je vous mènerai moi-même au chantier de Brunet. En attendant, comme je n’entends pas que vous paraissiez au collège, où vous n’avez que faire aujourd’hui surtout, vous allez rester enfermé dans le grenier d’en haut. Vous pourrez y réfléchir jusqu’à ce soir sur votre situation nouvelle.

« — Mais, mon ami, hasarda ma mère toute pâle, Julien m’a promis de travailler à l’avenir ; pardonne-lui cette fois encore.

« — Donnez-moi la clef du grenier et ne gâtez pas tant ce mauvais sujet.

« — Aie pitié de notre unique enfant, Auguste, supplia ma pauvre mère les mains jointes ; tu sais qu’il est très-nerveux, il peut avoir peur tout seul là-haut.

« — Je vous répète de me donner la clef du grenier ! » reprit mon père d’un accent de voix formidable.

« La clef lui ayant été livrée, il se tourna de nouveau vers moi :

« — Suivez-moi, monsieur ! » me dit-il.

« Je le suivis, et il m’enferma à double tour.

« L’école buissonnière finissait par la prison. »

Julien Savignac s’était tu.

— Charmant ! charmant ! s’écria Louis Vernier.

— Alors, vous comprenez que je regrette l’Escandorgue ?

— Et Adrien Sauvageol, et Méniquette Ortios…

— Et l’alouette huppée ?

— Et l’alouette huppée.

— Et la prison aussi ?

— Et la prison aussi.

Ils rirent tous deux, puis comme la nuit était venue, ils descendirent silencieusement la colline du Vert-Bois et regagnèrent Paris.

Ferdinand Fabre.
(Extrait du roman : Julien Savignac.)

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