Aller au contenu

Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
LES FEUILLES

tinuité entre le pétiole et le rameau ; les fibres, les trachées, les vaisseaux du premier se prolongent sans interruption dans le second. En automne, quand elle a fini son temps, la feuille mourante se détache néanmoins avec netteté du rameau, sans efforts, sans déchirures, en laissant une cicatrice régulière où se voient, au milieu du tissu cellulaire formant l’enveloppe externe, un certain nombre de marques qui sont les faisceaux fibro-vasculaires rompus.

Le mécanisme de cette chute est frappant d’élégante simplicité. Lorsque la feuille commence à perdre sa coloration normale, le vert, et prend une teinte jaune ou rougeâtre, signe de caducité, les restes d’une vitalité languissante sont employés à tout disposer pour une facile séparation. Dans le coussinet, une couche transversale de cellules se forme, toutes petites, transparentes et pleines de fécule, qui manque partout ailleurs dans la feuille. On lui donne le nom de couche séparatrice. Ces cellules farineuses, sans consistance, sans adhésion entre elles, cèdent aux tiraillements de la feuille que le moindre souffle agite, se disjoignent et donnent lieu à une étroite fissure qui cerne tout le coussinet. Seuls les faisceaux de fibres et de vaisseaux ne sont pas atteints par cette dissociation ; mais trop faibles pour supporter longtemps le poids du limbe, ils se rompent à leur tour et la feuille se détache. Cette séparation sans violence s’observe dans la plupart de nos arbres, dans le noyer, le peuplier, l’orme, le tilleul, le lilas, le poirier, par exemple.

Plus rarement, la couche de petites cellules à grains d’amidon, la couche séparatrice en un mot, ne se forme pas dans l’épaisseur du coussinet. La feuille morte persiste alors sur l’arbre une grande partie de l’hiver et ne se détache qu’arrachée par les coups de vents. C’est ce que nous montre le chêne, dont le feuillage mort et d’un roux brun se maintient longtemps en place et ne cède que peu à peu aux violences de la mauvaise saison. Il