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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/171

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LES FEUILLES

s’échelonnent sur l’axe qui les porte, vous répondriez : Il en vient un peu partout, au hasard. — Eh bien ! non, les feuilles ne sont pas disposées au hasard. Toute chose, en ce monde, obéit aux lois harmoniques du nombre, du poids, de l’ordre ; tout se pèse, tout se mesure, tout se dénombre. Le moindre brin d’herbe dispose ses feuilles d’après une délicate géométrie dont je vais vous expliquer les éléments.

Le premier besoin des feuilles est de s’étaler à l’air libre et de voir le jour ; vous en saurez bientôt les motifs. Si elles se superposaient trop directement, les feuilles se nuiraient donc entre elles, en se faisant mutuellement ombre et se masquant le soleil, dont les rayons sont d’une absolue nécessité pour leur travail. Pour éviter, ou plutôt pour retarder autant que possible cette nuisible superposition, la plante échelonne ses feuilles sur une ligne spirale qui monte avec une géométrique régularité ; c’est, si vous le voulez, l’escalier à vis d’une haute tour. À la base de cet escalier, elle établit la première feuille ; en un point plus élevé, mais qui ne correspond pas au précédent, elle met la seconde ; plus haut encore, et toujours de côté, elle fixe la troisième ; et ainsi de suite, si bien que les points d’attache des diverses feuilles tournent, s’élevant toujours, sans se superposer. Tôt ou tard, c’est inévitable, quand toutes les places sont prises, une feuille pourtant finit par se trouver juste au dessus d’une autre ; la spirale, en tournant, superpose deux points d’attache, mais c’est à une telle distance, que l’accès du soleil sur la feuille d’en bas est à peine entravé par la feuille d’en haut. À partir du point superposé, l’ordre primitif recommence et fait par conséquent correspondre une à une les nouvelles feuilles aux feuilles inférieures.

Le dessin est ici nécessaire. La figure 87 représente un rameau de poirier. Partons d’une feuille, la première venue et que nous numéroterons 1. Pour aller de cette feuille à la suivante, pour monter en quelque sorte d’un