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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/176

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LA PLANTE

gré de ses instincts ; la seconde persiste dans un continuel repos. Cette opposition entre l’activité d’une part et l’inertie de l’autre semble tellement nette, qu’on l’a proposée comme caractère différentiel entre l’animal et la plante. Dans une vue d’ensemble, la différence est fondée ; dans les détails, elle comporte de frappantes exceptions qui démontrent l’étroite analogie des deux règnes quant aux propriétés générales. Sœur de l’animal et son aînée, la plante a parfois, comme lui, la faculté de se mouvoir spontanément ; en présence de certains faits, l’on se demande même si la sensibilité lui est vraiment refusée, cette sensibilité vague, inconsciente, apanage des derniers échelons de l’animalité. Ce chapitre est consacré à l’exposé des principaux documents sur cette grave et difficile question.

Une feuille comprend deux faces : l’une supérieure, plus lisse et plus verte ; l’autre inférieure, plus pâle et plus rugueuse, à cause du relief des nervures. Leur structure anatomique n’est pas exactement la même, leur rôle dans le travail de la végétation ne l’est pas davantage ; la face qui regarde la lumière du ciel a d’autres fonctions que la face ayant devant elle l’ombre du sol. Qu’adviendra-t-il donc si la feuille est artificiellement mise dans une position inverse, si l’on tourne vers le ciel son dessous et vers la terre son dessus ? Avec ce retournement, qui donne de l’ombre à la face faite pour la lumière, et de la lumière à la face faite pour l’ombre, la feuille ne peut accomplir son habituel travail.

D’un mouvement très-lent, mais obstiné, continu, la feuille se retourne alors d’elle-même en tordant son pétiole et remet dessus ce qui doit être dessus, dessous ce qui doit être dessous. Si, à diverses reprises, la main de l’homme intervient pour rétablir la position renversée, chaque fois, par une nouvelle torsion du pétiole, la feuille remet les choses en l’état normal. « J’ai incliné, dit Ch. Bonnet, le botaniste philosophe de Genève, j’ai incliné ou courbé des jets de plus de vingt espèces de plantes, soit