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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/177

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MOUVEMENTS DES FEUILLES

herbacées soit ligneuses, et je les ai tenus fixés dans cette situation. Les feuilles de ces jets ayant été mises ainsi dans une position contraire à celle qui leur est naturelle, j’ai eu bientôt le plaisir de les voir se retourner et reprendre leur position ordinaire. J’ai réitéré l’expérience sur le même jet jusqu’à quatorze fois consécutives, sans que cet admirable retournement ait cessé de s’y opérer. » Cette persistance de la feuille à se tordre sur sa base, se détordre, se retordre encore pour déjouer les obstacles et reprendre la position conforme à sa nature, rappelle l’invincible opiniâtreté de la plante en germination, qui brusquement se coude toutes les fois qu’on dérange la graine, et remet la racine en bas, la tige en haut. Cependant, comme si la fatigue la gagnait, la feuille est plus lente à se retourner à mesure que l’épreuve se répète. Dans les expériences de Ch. Bonnet, une feuille de vigne mettait un jour pour revenir à sa position naturelle après la première inversion ; elle en mettait quatre après la quatrième, et huit après la sixième. C’est sous le stimulant de la lumière solaire que le retournement se fait dans le plus court délai. En deux heures, aux rayons d’un soleil ardent, l’ingénieux expérimentateur de Genève a vu se retourner une feuille d’arroche. Cette promptitude n’a été dépassée par aucune autre plante.

En dehors des renversements artificiels, œuvre de l’homme, la plante est parfois dans la nécessité de retourner toutes ses feuilles. Certains végétaux, au lieu de diriger leurs ramifications de bas en haut, les dirigent en sens inverse, de haut en bas. Cette marche rétrograde est tantôt le résultat purement mécanique de la longueur et de la faiblesse des rameaux, qui pendent suivant la verticale faute d’une rigidité suffisante pour résister à la pesanteur ; le saule pleureur en est un exemple. Tantôt elle n’a d’autre cause que les propensions mêmes du végétal, dont les jets vigoureux s’infléchissent, non sous leur poids, mais par l’effet d’une tendance naturelle. Ainsi le sophora du Japon, arbre assez fréquent dans nos