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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/192

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LA PLANTE

heures de veille et réciproquement, est donc bien une cause des mouvements des feuilles ; mais ce n’est pas la seule. En effet, ayant soumis des sensitives les unes à l’action continue de la lumière artificielle, d’autres à l’action continue de l’obscurité, Decandolle constata dans les deux cas des alternatives de sommeil et de veille ; seulement ces alternatives étaient plus courtes que dans les circonstances habituelles et très-irrégulières. Ainsi un jour sans fin n’empêche pas la plante de dormir, une nuit sans fin ne l’empêche pas de veiller. D’autre part, si la sensitive intervertit ses heures et se plie aux conditions de l’expérience lorsque la lumière et l’obscurité alternent en sens inverse de la périodicité naturelle, on connaît des plantes moins impressionnables qui, soumises aux mêmes épreuves, ne changent rien à leurs habitudes. Tels sont les oxalis, sur lesquels échouèrent toutes les tentatives de Decandolle. La lumière continue, l’obscurité continue, l’alternative de la lumière pendant la nuit et de l’obscurité pendant le jour, restèrent sans effet aucun ; les oxalis dormaient ou veillaient aux heures habituelles de sommeil ou de veille, malgré tous les artifices de l’expérimentateur.

Par un mécanisme inhérent à l’exercice de la vie, le végétal a donc en lui-même la cause essentielle des mouvements périodiques de ses feuilles ; la lumière, tantôt plus, tantôt moins, suivant la sensibilité de la plante, éveille ces mouvements mais elle ne les produit pas. Aller plus loin serait impossible : le sommeil de la plante échappe à l’explication tout comme le sommeil de l’animal. Il nous est même plus profondément inconnu encore à cause de sa dissemblance avec notre propre sommeil. Les plantes, en effet, ne dorment pas dans l’acception ordinaire du mot ; il n’y a pas évidemment chez elles de somnolence comparable à l’état de l’animal endormi, mais un simple retour des feuilles à l’arrangement qu’elles avaient dans le bourgeon. Ce retour à la pose du premier âge paraît signe de repos, de suspension momen-