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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

lui seul, il fait connaître la bête et semble dire qu’avant tout elle est formée d’une paire d’oreilles.

Paul. — Des oreilles si prodigieuses sont certainement faites pour percevoir des sons qui nous échappent par leur excessive faiblesse. Elles permettent à l’oreillard d’entendre à distance le battement d’ailes d’une phalène, le trémoussement d’un moucheron qui danse en l’air.

D’autres chauves-souris, moins bien partagées sous le rapport de l’ouïe, possèdent en compensation un odorat comme il n’y en a pas d’autre au monde pour la finesse. La haute perfection de ce sens est la conséquence du développementOreillard.
Oreillard.
du nez, qui recouvre une bonne partie de la face et donne à l’animal la plus bizarre tournure. Comme exemple, voici la tête d’une chauve-souris nommée fer-à-cheval. Ce large empâtement de forme étrange, qui envahit presque tout l’espace compris entre les deux yeux et la bouche, c’est le nez. Il se termine en haut par une large feuille triangulaire ; latéralement il s’étale en feuillets plissés dont l’ensemble courbé rappelle un fer à cheval, et c’est de là que vient le nom de la bête. Quelle odeur, si subtile qu’elle soit, pourrait échapper à un tel nez. Le chien, dont le flair est si renommé, chasse le lièvre sans le voir, guidé seulement par les émanations que laisse sur son trajet l’animal échauffé par la course ; mais de combien le fer-à-cheval l’emporte, lui qui chasse de la même manière une phalène, sans odeur aucune pour tout autre nez que le sien. Je me demande même si pareil nez, épanoui