Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

en l’absence de la mère ; les œufs de la caille et de la perdrix sont pour lui régal hors ligue ; il est même au comble du bonheur s’il peut tordre le cou à la couvée. L’an dernier, j’entendis pendant la nuit un grand vacarme dans le poulailler. Les coqs jetaient des cris d’alarme, les poules gloussaient en désespérées : j’accourus. Un de mes hérissons s’était glissé sous la porte. Je trouvai le drôle saignant les petits poulets presque sous l’aile de leur mère, impuissante à les défendre au milieu d’une profonde obscurité. D’un coup de pied, l’assassin fut envoyé rouler dehors. Le lendemain, on répara soigneusement les clôtures ; on boucha les trous à fleur de terre, et depuis lors je n’ai plus eu à me plaindre de mes chasseurs d’insectes. En prenant des précautions contre leurs sanguinaires appétits, j’ai là deux mangeurs de larves précieux pour le jardin.

Louis. — Mais n’a-t-on pas à craindre d’autres rapines ? J’ai entendu dire que le hérisson grimpe sur les arbres pour en faire tomber les fruits ; il se roule ensuite sur les fruits tombés, les embroche avec ses piquants et les emporte dans sa cachette pour les manger à l’aise.

Paul. — Laissez dire et n’en croyez rien. Il est de toute impossibilité que le hérisson grimpe sur un arbre. Lourd et trapu comme il est, avec des jambes si courtes et des ongles sans puissance pour se cramponner, comment viendrait-il à bout d’une ascension qui exige de l’agilité, des griffes en crocs, des membres souples ? Non, mon ami, le hérisson n’escalade pas les arbres ; il n’emporte pas davantage les fruits embrochés à ses piquants. En cela, tout ce qu’il y a de vrai, c’est que le hérisson ne se nourrit pas exclusivement de proie ; s’il trouve à terre des fruits à sa convenance, une poire bien mûre, une pêche, il les gruge avec autant de satisfaction qu’il le ferait d’une courtilière ou d’un ver blanc.

Louis. — On dit encore que, tenus dans une habitation, ils en éloignent les rats.

Paul. — Volontiers je le croirais. Le jour, le hérisson se tapit et sommeille ; mais la nuit il est très remuant, sans cesse en quête de limaces, de gros scarabées et autres insectes. Il peut donc très bien se faire que la chasse turbulente du hérisson, qui inspecte de son museau pointu les coins et les recoins, effraye les souris et les force à déloger, d’autant plus que le nocturne rôdeur répand une odeur désagréable, très propre à déceler sa présence. N’ayant du chat ni le coup de