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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

rieure ; ces dents engrènent les unes dans les autres quand l’animal mord, et plongent, comme autant de fins poignards, dans les chairs de la proie capturée. Avec ce système compliqué d’engrenage dentaire, le hérisson évidemment ne peut triturer des aliments coriaces ; il lui faut une nourriture molle, juteuse, réduite en marmelade en quelques coups de dents. L’animal est donc avant tout carnivore. Quelques autres espèces, en particulier la taupe et la musaraigne de nos pays, ont, comme le hérisson, les dents armées de pointes coniques engrenantes. Leur régime alimentaire est à peu près pareil. Tous les trois, hérisson, taupe et musaraigne, se nourrissent de menu gibier : insectes, larves, limaces, chenilles, vers ; ils font partie du groupe de mammifères que les naturalistes nomment l’ordre des insectivores, c’est-à-dire l’ordre des mangeurs d’insectes ; ils se livrent, à la surface du sol et sous terre, aux mêmes chasses que les chauves-souris font dans l’étendue de l’air. Par leur manière de vivre, les chauves-souris sont bien des insectivores, en ce qu’elles se nourrissent d’insectes ; mais leur organisation spéciale les faits classer à part, dans l’ordre des cheiroptères. Les mammifères nous fournissent ainsi deux ordres auxiliaires : les cheiroptères, qui chassent an vol, et les insectivores proprement dits, qui chassent à terre et sous terre. À ces derniers appartiennent le hérisson, la taupe et la musaraigne.

Au hérisson, le plus gros des trois, il faut une proie plus abondante et plus forte. L’infime vermine est dédaignée ; mais une larve de hanneton, une courtilière ventrue, sont d’excellentes captures. Quand elles ne sont pas trop profondément situées, il fouille avec les pattes et le museau pour les déterrer. Vous venez de voir mes hérissons au travail dans le carré de laitues. Toute la nuit, ils vont rôder par le jardin, furetant partout et croquant pas mal d’ennemis sans me porter de préjudice appréciable. J’ai là deux gardiens vigilants, qui chaque nuit font la ronde dans l’intérêt de mes légumes. Cependant, malgré tout l’intérêt qu’ils m’inspirent, je dois à la vérité d’avouer leurs méfaits.

La nourriture habituelle du hérisson se compose incontestablement d’insectes ; mais lorsqu’une belle occasion se présente, la bête goulue se laisse facilement tenter par une proie plus volumineuse et de haut goût. En liberté, le hérisson ne se fait pas scrupule de saigner les lapereaux surpris au gîte