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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

ce caractère seul ne reconnaît-on pas la bête insatiable de carnage ?

La taupe est exclusivement carnivore, tout l’affirme. D’autre part, rappelons-nous le monstrueux appétit dont l’animal est doué, si l’on peut appeler appétit la famélique rage d’un estomac qui dans douze heures exige une quantité de nourriture équivalant au poids de la bête. L’existence de la taupe est une frénésie gloutonne, toujours renaissante, jamais assouvie ; les accès de rage du ventre la prennent trois ou quatre fois par jour ; elle se meurt d’inanition pour quelques heures d’abstinence. Pour faire taire les angoisses de cet estomac où les aliments ne font guère que passer, aussitôt fondus, disparus, sur quoi peut compter la taupe ?Dents de la taupe.
Dents de la taupe.
Les moineaux vivants, qu’elle dévorait avec tant de délices dans les expériences de Flourens, évidemment ne sont pas faits pour un chasseur qui travaille sous terre ; tout au plus quelque misérable grenouille, errant dans la prairie, peut de temps à autre lui tomber sous la dent. Que lui reste-t-il donc ? Il lui reste les larves qui vivent dans la terre, et en premier lieu les larves de hanneton, tendres et grasses à lard. C’est petit, j’en conviens, pour une telle faim, mais le nombre suppléera à la taille. Alors quelle extermination de vers blancs ne doit-elle pas faire quand le sol abonde de ce menu gibier ! À peine un repas est fini que l’autre commence, et chaque fois, sans doute, les mans y passent par douzaines. Pour expurger un champ de ces redoutables ravageurs, aucun auxiliaire ne vaut la taupe.

Acharné destructeur de vermine, voilà ce qui me porte à prendre la défense de la taupe et à lui accorder, non sans