Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/103

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sance avec qui il convient de s’arrêter un moment, de causer un peu, d’échanger une poignée de main : une distraction de ma part ruinerait peut-être mes projets ! Quelle rencontre plus mauvaise encore si Bull, qui ne peut supporter un regard de travers, se trouvait nez à nez avec quelque rival, et, lui gardant rancune, se jetait sur lui ? Il eût fallu mettre fin à la bagarre pour éviter le scandale d’un chien bien élevé intolérant pour le chien villageois. La querelle faisait crouler tout mon échafaudage expérimental. Et dire que les vives préoccupations d’une personne non tout à fait dépourvue de sens se trouvent parfois sous la dépendance d’une querelle de roquets !

Dieu soit loué ! la route est déserte, le trajet se fait sans encombre ; le fil, mon grand souci, ne se rompt pas ; l’œuf n’est pas meurtri ; tout est en ordre. La petite motte de terre est mise en lieu sûr, avec la cellule dans une position horizontale. À proximité de l’œuf, je dispose trois ou quatre des vermisseaux recueillis : la totalité des provisions serait une cause de trouble maintenant que la cellule n’a que la moitié de sa paroi et se trouve réduite à un demi-canal. Le surlendemain, je trouve l’œuf éclos. La jeune larve, de couleur jaune, est appendue par son extrémité postérieure, la tête en bas. Elle en est à son premier ver, dont la peau déjà devient flasque. Le cordon suspenseur consiste dans le court filament qui soutenait l’œuf, plus la dépouille de celui-ci, dépouille réduite à une sorte de ruban chiffonné. Pour rester invaginée dans le bout de ce ruban creux, l’extrémité postérieure du nouveau-né s’étrangle d’abord un peu, puis se renfle en bouton. Si je la trouble dans son repos, si les vivres remuent, la larve