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leur duvet un pou imperceptible s’est glissé qui, au moment où le parasite, après avoir détruit l’œuf de l’Anthophore, déposera le sien sur le miel usurpé, se laissera couler sur cet œuf pour le détruire à son tour et rester unique maître des provisions. La pâtée de miel amassée par l’Anthophore passera ainsi par trois maîtres, et restera finalement la propriété du plus faible des trois.

Et qui nous dira si le Méloé ne sera pas, à son tour, dépossédé par un nouveau larron ; ou même si à l’état de larve somnolente, molle et replette, il ne deviendra pas la proie de quelque ravageur, qui lui rongera les entrailles vivantes ? En méditant sur cette lutte fatale, implacable, que la nature impose, pour leur conservation, à ces divers êtres, tour à tour possesseurs et dépossédés, tour à tour dévorants et dévorés, un sentiment pénible se mêle à l’admiration que suscitent les moyens employés par chaque parasite pour atteindre son but ; et oubliant un instant le monde infime où ces choses se passent, on est pris d’effroi devant cet enchaînement de larcins, d’astuces et de brigandages qui rentrent, hélas dans les vues de l’alma parens rerum.

Les jeunes larves de Méloé établies dans le duvet des Anthophores ou dans celui des Mélectes et des Coelioxys, leurs parasites, avaient pris une voie infaillible pour arriver tôt ou tard dans la cellule désirée. Etait-ce de leur part un choix dicté par la clairvoyance de l’instinct, ou tout simplement l’effet, d’un heureux hasard ? L’alternative fut bientôt décidée. Divers diptères, des Eristales, des Calliphores (Eristalis tenax, Calliphora vomitoria), s’abattaient de temps en temps