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peu crevassés. L’insecte déblaie, s’exténue ; il enlève, prodigieux effort, des lopins de terre sèche de la grosseur d’un noyau d’abricot. Toutefois ces points ne tardent pas à être abandonnés. Alors un soupçon me vient : si nous sommes quatre ou cinq à chercher vainement un ver gris, ce n’est pas à dire que l’Ammophile soit affligée de la même maladresse. Où l’homme est impuissant, l’insecte souvent triomphe. L’exquise finesse du sens qui le guide ne peut le laisser dérouté des heures entières. Peut-être que le ver gris, pressentant la pluie qui s’apprête, s’est enfoui plus profondément. Le chasseur sait très bien où il gît, mais il ne peut l’extraire de sa profonde cachette. S’il abandonne un point après quelques essais, ce n’est pas défaut de sagacité mais défaut de puissance de fouille. Partout où l’Ammophile gratte, il doit y avoir un ver gris ; le point est abandonné parce que le travail d’extraction est reconnu au-dessus des forces. Je suis bien sot de ne pas y avoir songé plus tôt. Est-ce que l’expert braconnier donnerait quelque attention là où réellement il n’y a rien ? Allons donc !

Je me propose alors de lui venir en aide. L’insecte fouille en ce moment un point cultivé et tout à fait nu. Il abandonne l’endroit, comme il a déjà fait de tant d’autres. Je continue moi-même avec la lame d’un couteau. Je ne trouve rien non plus et me retire. L’insecte revient et se remet à gratter en un certain point de mes déblais. Je comprends : « Ôte-toi de là, maladroit, semble me dire l’hyménoptère ; je vais te montrer où gît la bête. » Sur ses indications, je fouille au point voulu, et j’exhume un ver gris. Parfait ! ma perspicace Ammophile ; ah ! je le disais bien que ton coup