Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/100

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l’impossibilité de lui nuire ; il lui faut encore la tenir si étroitement garrottée, qu’elle ne puisse faire le moindre mouvement capable de détourner l’aiguillon des points où doit être instillée la goutte de venin ; et c’est probablement dans le but de paralyser les mouvements de l’abdomen qu’est saisi l’un des filets qui le terminent. Non, si une imagination féconde s’était donné le champ libre pour inventer à plaisir le plan d’attaque, elle n’eût pas trouvé mieux ; et il est douteux que les athlètes des antiques palestres, en se prenant corps à corps avec un adversaire, eussent des attitudes calculées avec plus de science.

Je viens de dire que l’aiguillon est dardé à plusieurs reprises dans le corps du patient : d’abord sous le cou, puis en arrière du prothorax, puis enfin vers la naissance de l’abdomen. C’est dans ce triple coup de poignard que se montrent, dans toute leur magnificence, l’infaillibilité, la science infuse de l’instinct. Rappelons d’abord les principales conséquences où nous a conduits la précédente étude sur le Cerceris. Les victimes des Hyménoptères dont les larves vivent de proie ne sont pas de vrais cadavres, malgré leur immobilité parfois complète. Chez elles, il y a simple paralysie totale ou partielle des mouvements, il y a anéantissement plus ou moins complet de la vie animale ; mais la vie végétative, la vie des organes de nutrition, se maintient longtemps encore, et préserve de la décomposition la proie que la larve ne doit dévorer qu’à une époque assez reculée. Pour produire cette paralysie, les Hyménoptères chasseurs emploient précisément les procédés que la science avancée de nos jours pourrait suggérer aux physiologistes expérimentateurs, c’est-à-dire la lésion, au moyen de leur dard vénénifère, des centres nerveux qui animent les organes locomoteurs. On sait, en outre, que les divers centres ou ganglions de la chaîne nerveuse des