Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/99

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bules du Grillon qu’une surface convexe insaisissable ; et l’on voit, non sans émotion, son stylet empoisonné plonger une première fois dans le cou de la victime, puis une seconde fois dans l’articulation des deux segments antérieurs du thorax, puis encore vers l’abdomen. En bien moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter, le meurtre est consommé, et le Sphex, après avoir réparé le désordre de sa toilette, s’apprête à charrier au logis la victime, dont les membres sont encore animés des frémissements de l’agonie.

Arrêtons-nous un instant sur ce que présente d’admirable la tactique de guerre dont je viens de donner un pâle aperçu. Les Cerceris s’attaquent à un adversaire passif, incapable de fuir, presque privé d’armes offensives, et dont toutes les chances de salut résident en une solide cuirasse, dont le meurtrier sait toutefois trouver le point faible. Mais ici, quelles différences ! La proie est armée de mandibules redoutables, capables d’éventrer l’agresseur si elles parviennent à le saisir ; elle est pourvue de deux pattes vigoureuses, véritables massues hérissées d’un double rang d’épines acérées, qui peuvent tour à tour servir au Grillon pour bondir loin de son ennemi, ou pour le culbuter sous de brutales ruades. Aussi voyez quelles précautions, de la part du Sphex, avant de faire manœuvrer son aiguillon. La victime, renversée sur le dos, ne peut, faute de point d’appui, faire usage, pour s’évader, de ses leviers postérieurs, ce qu’elle ne manquerait pas de faire si elle était attaquée dans la station normale, comme le sont les gros Charançons du Cerceris tuberculé. Ses jambes épineuses, maîtrisées par les pattes antérieures du Sphex, ne peuvent non plus agir comme armes offensives ; et ses mandibules, retenues à distance par les pattes postérieures de l’hyménoptère, s’entr’ouvrent menaçantes, mais sans pouvoir rien saisir. Mais ce n’est pas assez pour le Sphex de mettre sa victime dans