Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/125

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rien comprendre, absolument rien, et livre à d’autres le problème. Remarquons cependant que les orthoptères sont parmi les insectes, ce que les ruminants sont parmi les mammifères. Doués d’une puissante panse et d’un caractère placide, ils pâturent l’herbage et prennent aisément du ventre. Ils sont nombreux, partout répandus, de démarche lente, qui en rend la capture facile ; ils sont en outre de taille avantageuse, qui en fait de maîtresses pièces. Qui nous dira si les Sphex, vigoureux ravisseurs à qui forte proie est nécessaire, ne trouvent dans ces ruminants de la classe des insectes, ce que nous trouvons nous-mêmes dans nos ruminants domestiques, le mouton et le bœuf, des victimes pacifiques, riches de chair ? C’est un peut-être, mais rien de plus.

J’ai mieux qu’un peut-être pour une autre question tout aussi importante. Les consommateurs d’orthoptères ne varient-ils jamais leur régime ? Si le gibier préféré vient à manquer, ne peuvent-ils en accepter un autre ? Le Sphex languedocien trouve-t-il qu’en ce monde, après la grasse éphippigère, il n’y a plus rien de bon ? Le Sphex à bordures blanches n’admet-il à sa table que des criquets ; et le Sphex à ailes jaunes que des grillons ? Ou bien suivant le temps, les lieux, les circonstances, chacun supplée-t-il les vivres de prédilection qui manquent, par d’autres à peu près équivalents ? Constater de pareils faits, s’il s’en produit, serait d’importance majeure, car ils nous enseigneraient si les inspirations de l’instinct sont absolues, immuables, ou bien si elles varient et dans quelles limites. Il est vrai que dans les cellules d’un même Cerceris sont enfouies les espèces les plus variées soit du groupe Bupreste, soit du groupe Charançon, ce qui démontre pour le chasseur une grande latitude de choix ; mais pareille extension des domaines de chasse ne peut être supposée chez les Sphex, que j’ai vus si fidèles à une proie exclu-