Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/133

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gibier : la Guêpe commune (Vespa vulgaris), qui capture des Éristales, et la guêpe frelon (Vespa crabro), qui ravit des Abeilles domestiques. Des deux parts, la méthode de chasse est la même. D’un vol impétueux, croisé et recroisé de mille manières les deux bandits explorent la nappe de fleurs, et brusquement se précipitent vers la proie convoitée, qui, sur ses gardes, s’envole tandis que le ravisseur, dans son élan, vient heurter du front la fleur déserte. Alors la poursuite se continue dans les airs ; on dirait l’épervier chassant l’alouette. Mais l’Abeille et l’Éristale, par de brusques crochets, ont bientôt déjoué les tentatives de la Guêpe, qui reprend ses évolutions au-dessus de la gerbe de fleurs. Enfin, moins prompte à la fuite, tôt ou tard une pièce est saisie. Aussitôt la Guêpe commune se laisse choir avec son Éristale parmi le gazon ; à l’instant aussi, de mon côté, je me couche à terre, écartant doucement, des deux mains, les feuilles mortes et les brins d’herbe qui pourraient gêner le regard ; et voici le drame auquel j’assiste, si les précautions sont bien prises pour ne pas effaroucher le chasseur.

C’est d’abord entre la Guêpe et l’Éristale, plus gros qu’elle, une lutte désordonnée dans le fouillis du gazon. Le Diptère est sans armes, mais il est vigoureux ; un aigu piaulement d’ailes dénote sa résistance désespérée. La Guêpe porte poignard ; mais elle ne connaît pas le méthodique emploi de l’aiguillon, elle ignore les points vulnérables, si bien connus des ravisseurs à qui proie longtemps fraîche est nécessaire. Ce que réclament ses nourrissons, c’est une marmelade de mouches broyées à l’instant même ; et dès lors peu importe à la Guêpe la manière dont le gibier est tué. Le dard opère donc sans méthode aucune, à l’aveugle. On le voit s’adresser au dos de la victime, aux flancs, à la tête, au thorax, au ventre indifféremment, suivant les chances de la lutte corps à corps. L’Hyménoptère paralysant sa victime