Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/142

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reprises déjà, j’ai surpris en ces lieux le Sphex au repos sur quelque feuille de vigne exposée en plein aux rayons du soleil. L’insecte, étalé à plat, y jouit voluptueusement des délices de la chaleur et de la lumière. De temps à autre éclate en lui comme une frénésie de plaisir : il se trémousse de bien-être ; du bout des pattes, il tape rapidement son reposoir et produit ainsi comme un roulement de tambour, pareil à celui d’une averse de pluie tombant dru sur la feuille. À plusieurs pas de distance peut s’entendre l’allègre batterie. Puis l’immobilité recommence, suivie bientôt d’une nouvelle commotion nerveuse et du moulinet des tarses, témoignage du comble de la félicité. J’en ai connu de ces passionnés de soleil, qui, l’antre pour la larve à demi-creusée, abandonnaient brusquement les travaux, allaient sur les pampres voisins prendre un bain de chaleur et de lumière, revenaient comme à regret donner au terrier un coup de balai négligent, puis finissaient par abandonner le chantier, ne pouvant plus résister à la tentation des suprêmes jouissances sur les feuilles de vigne.

Peut-être aussi le voluptueux reposoir est-il en outre un observatoire, d’où l’Hyménoptère inspecte les alentours pour découvrir et choisir sa proie. Son gibier exclusif est, en effet, l’Éphippigère des vignes, répandue çà et là sur les pampres ainsi que sur les premières broussailles venues. La pièce est opulente, d’autant plus que le Sphex porte ses préférences uniquement sur les femelles, dont le ventre est gonflé d’une somptueuse grappe d’œufs.

Ne tenons compte des courses répétées, des recherches infructueuses, de l’ennui des longues attentes, et présentons brusquement le Sphex au lecteur, comme il se présente lui-même à l’observateur. Le voici au fond d’un chemin creux, à hautes berges sablonneuses. Il arrive à pied, mais se donne élan des ailes pour traîner sa