Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/164

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pacifique, se laisse opérer sans résistance ; c’est l’imbécile mouton de nos abattoirs. Le Sphex prend son temps, et manœuvre du stylet avec une lenteur favorable à la précision des coups portés. Jusque-là tout est bien pour l’observateur ; mais la proie touche à terre de la poitrine et du ventre, et ce qui se passe exactement là-dessous échappe au regard. Quant à intervenir pour soulever un peu l’Éphippigère et voir mieux, il ne faut pas y songer : le meurtrier rengainerait son arme et se retirerait. L’acte suivant est d’observation aisée. Après avoir poignardé le thorax, le bout de l’abdomen du Sphex se présente sous le cou, que l’opérateur fait largement bâiller en pressant la victime sur la nuque. En ce point, l’aiguillon fouille avec une persistance marquée, comme si la piqûre y était plus efficace qu’ailleurs. On pourrait croire que le centre nerveux atteint est la partie inférieure du collier œsophagien ; mais la persistance du mouvement dans les pièces de la bouche, mandibules, mâchoires, palpes, animées par ce foyer d’innervation, montre que les choses ne se passent pas ainsi. Par la voie du cou, le Sphex atteint simplement les ganglions du thorax, du moins le premier, plus accessible à travers la fine peau du cou qu’à travers les téguments de la poitrine.

Et c’est fini. Sans aucun tressaillement, marque de douleur, l’Éphippigère est rendue désormais masse inerte. Pour la seconde fois, j’enlève au Sphex son opérée, que je remplace par la seconde femelle dont je dispose. Les mêmes manœuvres recommencent, suivies du même résultat. À trois reprises, presque coup sur coup, avec son propre gibier d’abord, puis avec celui de mes échanges, le Sphex vient de recommencer sa chirurgie savante. Recommencera-t-il une quatrième avec l’Éphippigère mâle qui me reste encore ? C’est douteux, non que l’Hyménoptère soit lassé, mais parce que le gibier n’est pas à sa convenance. Je ne lui ai