Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/163

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Comment ces insectes se sont-ils trouvés sous ma main, au moment voulu, pour une expérience vainement entreprise il y a quelque vingt ans ? Ceci est une autre histoire. – Une pie-grièche méridionale avait fait son nid sur l’un des hauts platanes de l’allée. Or, quelques jours avant, le mistral, le vent brutal de ces régions, avait soufflé avec une telle violence que les branches fléchissaient ainsi que des joncs ; et le nid, renversé sens dessus dessous par les ondulations de son support, avait laissé choir son contenu, quatre oisillons. Le lendemain, je trouvai la nichée à terre ; trois étaient morts de la chute, le quatrième vivait encore. Le survivant fut confié aux soins d’Émile, qui, trois fois par jour, faisait la chasse aux Criquets dans les pelouses du voisinage à l’intention de son élève. Mais les Criquets sont de petite taille, et l’appétit du nourrisson en réclamait beaucoup. Une autre pièce fut préférée, l’Éphippigère, dont il était fait provision de temps à autre, parmi les chaumes et le feuillage piquant de l’Eryngium. Les trois insectes que m’apportait Émile provenaient donc du garde-manger de la pie-grièche. Ma commisération pour l’oisillon précipité me valait ce succès inespéré.

Le cercle des spectateurs élargi pour laisser le champ libre au Sphex, je lui enlève sa proie avec des pinces et lui donne aussitôt en échange une de mes Éphippigères, portant sabre au bout du ventre comme le gibier soustrait. Quelques trépignements de pattes sont les seuls signes d’impatience de l’Hyménoptère dépossédé. Le sphex court sus à la nouvelle proie, trop corpulente, trop obèse pour tenter même de se soustraire à la poursuite. Il la saisit avec les mandibules par le corselet en forme de selle, se place en travers, et recourbant l’abdomen, en promène l’extrémité sous le thorax de l’insecte. Là, sans doute, des coups d’aiguillon sont donnés, sans que je puisse en préciser le nombre à cause de la difficulté d’observation. L’Éphippigère, victime