Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/166

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sans nourriture, l’une dans l’obscurité, l’autre à la lumière. En quatre jours, la seconde était morte de faim ; en cinq jours, la première. Cette différence d’un jour s’explique aisément. À la lumière, l’animal s’est plus agité pour recouvrer sa liberté ; et comme à tout mouvement de la machine animale correspond une dépense de combustible, une plus grande somme d’activité a consommé plus vite les réserves de l’organisation. Avec la lumière, agitation plus grande et vie plus courte ; avec l’obscurité, agitation moindre et vie plus longue, l’abstinence étant complète de part et d’autre.

L’une de mes trois opérées a été tenue dans l’obscurité, sans nourriture. Pour elle, aux conditions d’abstinence complète et d’obscurité, s’ajoute la gravité de blessures faites par le Sphex ; et néanmoins pendant dix-sept jours, je lui vois accomplir ses continuelles oscillations d’antennes. Tant que marche cette sorte de pendule, l’horloge de la vie n’est pas arrêtée. L’animal cesse le mouvement antennaire et périt le dix-huitième jour. L’insecte gravement blessé a donc vécu, dans les mêmes conditions, quatre fois plus longtemps que l’insecte intact. Ce qui paraissait devoir être cause de mort, est en réalité cause de vie.

Si paradoxal au premier aspect, ce résultat est des plus simples. Intact, l’animal s’agite et par conséquent se dépense. Paralysé, il n’a plus en lui que de faibles mouvements internes, inséparables de toute organisation ; et sa substance s’économise en proportion de la faiblesse de l’action déployée. Dans le premier cas, la machine animale fonctionne et s’use ; dans le second cas, elle est en repos et se conserve. L’alimentation n’étant plus là pour réparer les pertes, l’insecte en mouvement dépense en quatre jours ses réserves nutritives et meurt ; l’insecte immobile ne les dépense et ne périt qu’en dix-huit jours. La vie est une continuelle destruction, nous dit la physiologie ; et les victi-