Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/173

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maintenant la base de l’antenne, le court tronçon non emporté par les ciseaux. C’est très court, un millimètre à peine, n’importe : cela suffit au Sphex, qui happe ce reste de cordon et se remet au charroi. Avec beaucoup de précaution, pour ne pas blesser l’Hyménoptère, je coupe les deux tronçons antennaires, maintenant au niveau du crâne. Ne trouvant plus rien à saisir aux points qui lui sont familiers, l’insecte prend, tout à côté, un des longs palpes de la victime et continue son travail de traction, sans paraître en rien troublé par cette modification dans le mode d’attelage. Je laisse faire. La proie est amenée au logis, et disposée de telle sorte que sa tête se présente à l’entrée du terrier. L’Hyménoptère entre alors seul chez lui, pour faire une courte inspection de l’intérieur de la cellule avant de procéder à l’emmagasinement des vivres. Cette tactique rappelle celle du Sphex à ailes jaunes en pareille circonstance. Je profite de ce court instant pour m’emparer de la proie abandonnée, lui enlever tous les palpes et la déposer un peu plus loin, à un pas du terrier. Le Sphex reparaît et va droit au gibier, qu’il a aperçu du seuil de sa porte. Il cherche en dessus de la tête, il cherche en dessous, par côté, et ne trouve rien qu’il puisse saisir. Une tentative désespérée est faite : ouvrant ses mandibules toutes grandes, l’Hyménoptère essaie de happer l’Éphippigère par la tête ; mais les pinces, d’une ouverture insuffisante pour cerner pareil volume, glissent sur le crâne, rond et poli. À plusieurs reprises, il recommence, toujours sans résultat aucun. Le voilà convaincu de l’inutilité de ses efforts. Il se retire un peu à l’écart et semble renoncer à de nouveaux essais. On le dirait découragé ; du moins il se lisse les ailes avec les pattes postérieures, tandis qu’avec les tarses antérieurs, passés d’abord dans la bouche, il se lave les yeux. C’est là chez les Hyménoptères, à ce qu’il m’a paru, le signe du renoncement à l’ouvrage.