Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gne et l’Italie méridionales, les îles de la Méditerranée, l’Afrique. C’est l’époque des joies de la chasse et des succulentes brochettes de Pieds-noirs.

La Calandrelle, le Crèou, comme on dit ici, est la première arrivée. À peine le mois d’août commence, qu’on la voit explorer les champs caillouteux, à la recherche des petites semences de Setaria, mauvaise graminée qui infeste les cultures. À la moindre alerte, elle part avec un aigre clapotement de gosier assez bien imité par son nom provençal. Elle est bientôt suivie du Tarier, qui butine paisiblement de petits charançons, des criquets, des fourmis, dans les vieux champs de luzerne. Avec lui commence l’illustre série des Pieds-noirs, honneur de la broche. Elle se continue, quand septembre est arrivé, par le plus célèbre, le Motteux vulgaire ou Cul-blanc, glorifié de tous ceux qui ont pu apprécier ses hautes qualités. Jamais Becfigue des gourmets de Rome, immortalisé dans les épigrammes de Martial, n’a valu l’exquise et parfumée pelote de graisse du Motteux, devenu scandaleusement obèse par un régime immodéré. C’est un consommateur effréné d’insectes de tout ordre. Mes archives de chasseur naturaliste font foi du contenu de son gésier. On y trouve tout le petit peuple des guérets : larves et charançons de toutes espèces, criquets, opatres, cassides, chrysomèles, grillons, forficules, fourmis, araignées, cloportes, hélices, iules et tant d’autres. Et pour faire diversion à cette nourriture de haut goût, raisins, baies de la ronce, baies du cornouiller sanguin. Tel est le menu que poursuit sans repos le Motteux, lorsqu’il vole d’une motte de terre à l’autre, avec ce faux air de papillon en fuite que lui donnent les pennes blanches de sa queue étalée. Aussi Dieu sait à quel prodige d’embonpoint il s’élève.

Un seul le surpasse dans l’art de se faire gras. C’est son contemporain d’émigration, autre passionné consommateur