Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/218

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Les trois autres ne donnent qu’une seule Chenille à chaque larve. Il est vrai qu’ici le volume supplée au nombre : le gibier choisi est corpulent, dodu, capable de suffire amplement à l’appétit du ver. J’ai retiré, par exemple, des mandibules de l’Ammophile des sables, une Chenille qui pesait quinze fois le poids du ravisseur ; quinze fois, chiffre énorme si l’on considère quelle dépense de force ce doit être pour le chasseur que de traîner semblable gibier, par la peau de la nuque, à travers les mille difficultés du terrain. Aucun autre Hyménoptère soumis avec sa proie à l’épreuve de la balance, ne m’a montré pareille disproportion entre le ravisseur et son butin. La variété presque indéfinie de coloration dans les vivres exhumés des terriers ou reconnus entre les pattes des Ammophiles établit encore que les trois déprédateurs n’ont pas de préférence et font prise de la première Chenille venue, à la condition qu’elle soit de taille convenable, ni trop grande ni trop petite, et qu’elle appartienne à la série des Papillons nocturnes. Le gibier le plus fréquent consiste en Chenilles à costume gris, ravageant le collet des plantes sous une mince couche de terre.

Ce qui domine l’histoire entière des Ammophiles, ce qui appelait de préférence toute mon attention, c’est la manière dont l’insecte se rend maître de sa proie et la plonge dans l’état inoffensif réclamé par la sécurité des larves. Le gibier chassé, la Chenille, possède en effet une organisation fort différente de celle des victimes que nous avons vu sacrifier jusqu’ici : Buprestes, Charançons, Criquets, Éphippigères. L’animal se compose d’une série d’anneaux ou segments similaires, disposés bout à bout : trois d’entre eux, les premiers, portant les pattes vraies, qui doivent devenir les pattes du futur Papillon ; d’autres ont des pattes membraneuses ou fausses pattes, spéciales à la Chenille et non représentées dans le Papillon ; d’autres enfin sont dépourvus de