Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/235

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abondant que varié ; mais comme la larve n’a guère que le tiers de la grosseur finale, la carte complète du festin pourrait bien s’élever à une soixantaine de pièces.

La vérification de ce somptueux chiffre peut s’obtenir sans difficulté aucune : je vais remplacer moi-même le Bembex dans ses soins maternels et fournir à la larve de vivres jusqu’à satiété. Je déménage la cellule dans une petite boîte de carton, que je meuble d’une couche de sable. Sur ce lit est déposée la larve, avec tous les égards dus à son délicat épiderme. Autour d’elle, sans oublier un débris, je range les provisions de bouche dont elle était pourvue. Enfin je reviens chez moi, la boîte toujours à la main pour éviter des secousses qui pourraient renverser le logis sens dessus dessous et mettre en péril mon élève pendant un trajet de plusieurs kilomètres. Quelqu’un qui m’eût vu, sur la route poudreuse de Nîmes, exténué de fatigue et portant à la main, avec un soin religieux, le fruit unique de ma pénible course, un vilain ver faisant ventre d’un monceau de mouches, eût certes bien souri de ma naïveté.

Le voyage s’accomplit sans encombre : à mon arrivée, la larve continuait paisiblement de manger ses Diptères, comme si de rien n’était. Le troisième jour de la captivité, les vivres pris dans le terrier même étaient achevés ; le ver, de sa bouche pointue, fouillait dans le tas de débris sans rien trouver à sa convenance ; les parcelles saisies, trop arides, lambeaux cornés et dépourvus de suc, étaient rejetées avec dégoût. Le moment est venu pour moi de continuer le service alimentaire. Les premiers Diptères à ma portée, tel sera le régime de ma prisonnière. Je les tue en les pressant entre les doigts, mais sans les écraser. La première ration se compose de 3 Eristalis tenax et de le Sarcophaga. En vingt-quatre heures, tout était dévoré. Le lende-