Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/250

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est alors l’ennemi ? Serait-ce moi, assis pour l’observer ? Mais non : je ne suis rien pour lui, rien qu’une masse, un bloc, indigne sans doute de son attention. L’ennemi redoutable, l’ennemi terrible, qu’il faut éviter à tout prix, est là, à terre, bien immobile sur le sable, à proximité du domicile. C’est un petit Diptère, de très pauvre apparence, de tournure inoffensive. Ce moucheron de rien est l’effroi du Bembex. L’audacieux bourreau des Diptères, lui qui tord si prestement le cou aux Taons, colosses repus de sang sur le dos d’un bœuf, n’ose entrer chez lui parce qu’il se voit guetté par un autre Diptère, vrai pygmée qui fournirait à peine une bouchée à ses larves.

Que ne fond-il sur lui pour s’en débarrasser ? L’Hyménoptère a le vol assez prompt pour l’atteindre ; et si petite que soit la prise, les larves ne la dédaigneront pas, puisque tout Diptère leur est bon. Mais non : le Bembex fuit devant un ennemi qu’il mettrait en pièces d’un seul coup de mandibules ; il me semble voir le chat fuir, affolé de peur, devant une souris. L’ardent chasseur de Diptères est chassé par un autre Diptère, et l’un des plus petits. Je m’incline sans espérer jamais comprendre ce renversement des rôles. Pouvoir se débarrasser sans difficulté d’un ennemi mortel, qui médite la ruine de votre famille et qui en deviendrait le régal, pouvoir cela et ne pas le faire quand l’ennemi est là, à votre portée, vous guettant, vous bravant, c’est le comble de l’aberration chez l’animal. Aberration n’est pas du tout le mot ; disons plutôt harmonie des êtres, car, puisque ce misérable Diptère a son petit rôle à remplir dans l’ensemble des choses, faut-il encore que le Bembex le respecte et fuit lâchement devant lui, sinon, depuis longtemps, il n’y en aurait plus au monde.

Traçons ici l’histoire de ce parasite. Parmi les nids des Bembex, il s’en trouve, et très fréquemment, qui