Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/309

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Ce n’est pas en vain que l’on manie du bout des doigts, un à un, quarante irascibles Hyménoptères, qui dégainent aussitôt et jouent du dard empoisonné. Avant que la marque soit faite, le coup de stylet n’est que trop souvent donné. Mes doigts endoloris ont des mouvements de défense que la volonté ne peut toujours réprimer. Je saisis avec plus de précaution pour moi que pour l’insecte, je serre parfois plus qu’il ne conviendrait pour ménager mes voyageurs. C’est une belle et noble chose, capable de faire braver bien des périls, que d’expérimenter afin de soulever, s’il se peut, un tout petit coin des voiles de la vérité ; mais encore est-il permis de laisser poindre quelque impatience s’il s’agit de recevoir, en une courte séance, quarante coups d’aiguillon au bout des doigts. À qui me reprocherait mes coups de pouce non assez ménagés, je conseillerais de recommencer l’épreuve : il jugera par lui-même de la déplaisante situation.

Bref : soit à cause des fatigues du transport, soit par le fait de mes doigts qui ont trop appuyé et faussé peut-être quelques articulations, sur mes quarante Hyménoptères, il n’en part qu’une vingtaine d’un essor franc et vigoureux. Les autres vaguent sur les herbages voisins, inhabiles à conserver l’équilibre, ou se maintiennent sur les osiers où je les ai posés, sans se décider à prendre le vol, même quand je les excite avec une paille. Ces défaillants, ces estropiés à épaules luxées, ces impotents mis à mal par mes doigts, doivent être défalqués de la liste. Il en est parti vingt environ, d’un essor qui n’a pas hésité. Cela suffit et largement.

À l’instant même du départ, rien de précis dans l’orientation adoptée, rien de cet essor direct vers le nid que m’avaient autrefois montré les Cerceris en pareille circonstance. Aussitôt libres, les Chalicodomes fuient, comme effarés, qui dans une direction,