qui dans la direction tout opposée. Autant que le permet leur vol fougueux, je crois néanmoins reconnaître un prompt retour des Abeilles lancées à l’opposé de leur demeure, et la majorité me semble se diriger du côté de l’horizon où se trouve le nid. Je laisse ce point avec des doutes, que rendent inévitables des insectes perdus de vue à une vingtaine de mètres de distance.
Jusqu’ici l’opération a été favorisée par un temps calme ; mais voici qui vient compliquer les affaires. La chaleur est étouffante et le ciel se fait orageux. Un vent assez fort se lève, soufflant du sud, précisément la direction que doivent prendre mes Abeilles pour retourner au nid. Pourront-elles surmonter ce courant contraire, fendre de l’aile le torrent aérien ? Si elles le tentent, il leur faudra voler près de terre, comme je le vois faire maintenant aux Hyménoptères qui continuent encore à butiner ; mais l’essor dans les hautes régions, d’où elles pourraient prendre claire connaissance des lieux, leur est, ce me semble, interdit. C’est donc avec de vives appréhensions sur le succès de mon épreuve que je reviens à Orange, après avoir essayé de dérober encore quelque secret au Chalicodome des galets de l’Aygues.
À peine rentré chez moi, je vois Aglaé, la joue fleurie d’animation. – « Deux, fait-elle ; deux arrivées à trois heures moins vingt, avec la charge de pollen sous le ventre. » – Un de mes amis était survenu, grave personnage de loi, qui, mis au courant de l’affaire, oubliant code et papier timbré, avait voulu assister, lui aussi, à l’arrivée de mes pigeons voyageurs. Le résultat l’intéressait plus que le procès du mur mitoyen. Par un soleil sénégalien et une chaleur de fournaise réverbérée par la muraille, de cinq minutes en cinq minutes, il montait à l’échelle, tête nue, sans autre abri contre l’insolation que sa crinière grise et touffue. Au lieu de l’unique observateur que j’avais aposté, je retrouvais deux bonnes paires d’yeux surveillant le retour.