Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/80

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l’effet est instantané ; tout mouvement cesse subitement sans convulsions, dès que la fatale gouttelette a touché les centres nerveux. La piqûre du Cerceris ne produit pas un anéantissement plus prompt. Rien de plus frappant que cette immobilité soudaine provoquée dans un vigoureux Scarabée sacré. Mais là ne s’arrête pas la ressemblance des effets produits par le dard de l’Hyménoptère et par la pointe métallique empoisonnée avec de l’ammoniaque. Les Scarabées, les Buprestes et les Charançons piqués artificiellement, malgré leur immobilité complète, conservent pendant trois semaines, un mois et même deux, la parfaite flexibilité de toutes les articulations et la fraîcheur normale des viscères. Chez eux, la défécation s’opère les premiers jours comme dans l’état habituel, et les mouvements peuvent être provoqués par le courant voltaïque. En un mot, ils se comportent absolument comme les Coléoptères sacrifiés par le Cerceris ; il y a identité complète entre l’état où le ravisseur plonge ses victimes et celui qu’on produit, à volonté, en lésant les centres nerveux thoraciques avec de l’ammoniaque. Or, comme il est impossible d’attribuer à la gouttelette inoculée la conservation parfaite de l’insecte pendant un temps aussi long, il faut rejeter bien loin toute idée de liqueur antiseptique, et admettre que, malgré sa profonde immobilité, l’animal n’est pas réellement mort, qu’il lui reste encore une lueur de vie, maintenant quelque temps encore les organes dans leur fraîcheur normale, mais les abandonnant peu à peu pour les laisser enfin livrés à la corruption. Dans quelques cas d’ailleurs, l’ammoniaque ne produit l’anéantissement complet des mouvements que dans les pattes ; et alors, l’action délétère du liquide ne s’étant pas sans doute étendue assez loin, les antennes conservent un reste de mobilité ; et l’on voit l’animal, même plus d’un mois après l’inoculation, les retirer avec vivacité au moindre attouche-