Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/88

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surtout m’a laissé de vifs souvenirs à cause de son originale installation. Sur le bord d’une grande route s’élevaient de petits tas de boue retirée des rigoles latérales par la pelle du cantonnier. L’un de ces tas, depuis longtemps desséchés au soleil, formait un monticule conique, un gros pain de sucre d’un demi-mètre de haut. L’emplacement avait plu aux Sphex, qui s’y étaient établis en une bourgade comme je n’en ai jamais depuis rencontré de plus populeuse. De la base au sommet, le cône de boue sèche était criblé de terriers, lui donnant l’aspect d’une énorme éponge. À tous les étages, c’était une animation fiévreuse, un va-et-vient affairé, qui mettait en mémoire les scènes de quelque grand chantier lorsque le travail presse. Grillons traînés par les antennes sur les pentes de la cité conique, emmagasinement des vivres dans le garde-manger des cellules, ruissellement de poussière hors des galeries en voie d’excavation, poudreuses faces des mineurs apparaissant par intervalles aux orifices des couloirs, continuelles entrées et continuelles sorties, parfois un Sphex en ses courts loisirs gravissant la cime du cône pour jeter peut-être, du haut de ce belvédère, un regard de satisfaction sur l’ensemble des travaux ; quel spectacle propre à me tenter, à me faire désirer d’emporter avec moi la bourgade entière et ses habitants ! Essayer était même inutile : la masse était trop lourde on ne déracine pas ainsi un village de ses fondations pour le transplanter ailleurs.

Revenons donc au Sphex travaillant en plaine, dans un sol naturel, ce qui est le cas de beaucoup le plus fréquent. Aussitôt le terrier creusé, la chasse commence. Mettons à profit les courses lointaines de l’hyménoptère, à la recherche du gibier, pour examiner le domicile. L’emplacement général d’une colonie de Sphex est, disons-nous, un terrain horizontal. Cependant le sol n’y est pas tellement uni, qu’on n’y trouve