Page:Fabre d'Églantine - Rapport fait à la convention nationale, 1793.djvu/17

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dû prétendre & ont obtenu le respect du peuple & sa soumission aux ordres qu’ils ont donnés au nom de la loi ; ils ont dû se rendre dignes non-seulement de ce respect, mais encore de l’estime & de l’amour de tous les citoyens : s’ils y ont manqué, qu’ils prennent garde à la fête de l’Opinion, malheur à eux ! ils seront frappés, non dans leur fortune, non dans leur personne, non même dans le plus petit de leurs droits de citoyen, mais dans l’opinion. Dans le jour unique & solemnel de la fête de l’Opinion, la loi ouvre la bouche à tous les citoyens sur le moral, le personnel & les actions des fonctionnaires publics ; la loi donne carrière à l’imagination plaisante & gaie des Français. Permis à l’opinion dans ce jour de se manifester sur ce chapitre de toutes les manières : les chansons, les allusions, les caricatures, les pasquinades, le sel de l’ironie, les sarcasmes de la folie, seront dans ce jour le salaire de celui des élus du peuple, qui l’aura trompé ou qui s’en sera fait mésestimer ou haïr. L’animosité particulière, les vengeances privées ne sont point à redouter ; l’opinion elle-même feroit justice du téméraire détracteur d’un magistrat estimé.

C’est ainsi que par son caractère même, par sa gaieté naturelle, le peuple français conservera ses droits & sa souveraineté ; on corrompt les tribunaux, on ne corrompt pas l’opinion. Nous osons le dire, ce seul jour de fête contiendra mieux les magistrats dans leur devoir, pendant le cours de l’année, que ne le feroient les lois même de Dracon & tous les tribunaux de France. La plus terrible & la plus profonde des armes françaises contre les Français, c’est le ridicule : le plus politique des tribunaux, c’est celui de l’opinion ; & si l’on veut approfondir cette idée & en combiner l’esprit avec le caractère national, on trouvera que cette fête de l’opinion