Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ALCESTE, tendant la main.

Mais voyons…

PHILINTE, le retenant.

Mais voyons…Non, mon cher ; les gens dans la détresse
Ne sont pas satisfaits que des yeux étrangers
Pénètrent leurs besoins ainsi que leurs dangers.
La curiosité peut-être vous attire ;
Mais si vous le lisez, soudain je me retire.
(À l’avocat, qui resserre son portefeuille avec une confusion douloureuse.)
Monsieur, sans me mêler de fait ni d’entretien
Au péril qui ne doit me regarder en rien,
Je vous observerai qu’un homme raisonnable,
D’une honteuse affaire et fort désagréable,
Ne doit pas épouser les soins infructueux.
Et vous voyez déjà cet ami vertueux,
D’abord impatient jusqu’à l’étourderie
Par ce premier aspect d’une friponnerie,
Qui, grâces au secours de la réflexion,
Vous éconduit vous-même en cette occasion.
Sagesse naturelle et louable…

ALCESTE.

Sagesse naturelle et louable…J’enrage.
Je me sèche d’humeur à ce honteux langage,
Comble d’égarement des hommes vicieux,
De s’étayer du mal qui vient frapper leurs yeux ;
De pratiquer ce mal, d’en être les apôtres,
Parce qu’il fut commis et pratiqué par d’autres !

PHILINTE.

Cet autre dont je parle, homme incroyable et prompt,
A fait ce qu’il faut faire, et ce que tous feront.
Et, sans trop m’ériger en censeur, je demande
À monsieur que voilà, dont la chaleur est grande
Pour divulguer à tous, par excès de pitié,
Un secret important qui lui fut confié ;
Je demande si, vu le poste qu’il occupe,
Il est tout à fait bien, pour sauver une dupe,
Un sot, un maladroit, à lui très inconnu,
De trahir le client secrètement venu
Vers lui, dans cet espoir et dans cette assurance