Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/110

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Faust [au début] paraîtrait absolument inintelligible… » — Mais songez à la fin de Faust et songez aussi au mot de Gœthe à Eckermann. On parlait de Napoléon. Eckermann ne le comprenait pas du tout. « Mais, mon ami, dit Gœthe, il y a aussi de la productivité en actes. » Gœthe rappelait ainsi, « d’une manière charmante et naïve », que l’homme non théorique est pour les hommes modernes, pour les Eckermann, quelque chose « d’invraisemblable et de déconcertant », de telle sorte « qu’il faut la sagesse d’un Gœthe pour concevoir, oui, pour excuser un mode d’existence si insolite. »

Comme le voyait très bien Gœthe, la science n’est pas le seul moyen de productivité ; elle en est même un moyen inférieur et elle empêche les moyens supérieurs et éclatants de productivité de se déployer. La nouvelle idole est un peu basse et si, comme nous l’avons montré, elle est inféconde, elle détourne aussi les hommes de se diriger vers les sources fécondes. Elle refroidit le monde et le dessèche ; elle le rend plat, sans remplir même son prétentieux dessein, qui est de le faire connaître.

A-t-elle même ce beau mérite dont elle se targue, d’être l’antagoniste de la crédulité, de détruire la foi ? Science et foi, a-t-on assez souvent opposé ces deux mots et ces deux choses ? Mais, s’il vous plaît, et la science est fondée sur une foi, et elle est le