Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/135

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tement n’est pas une mesure pour évaluer ce à quoi il se rapporte, tout aussi peu que le manque de contentement peut servir d’argument contre la valeur d’une chose. Nous sommes loin d’en savoir assez pour pouvoir évaluer la mesure de nos actions ; il nous manque pour cela la possibilité de prendre un point de vue objectif. Lors même que nous réprouverions un acte, nous ne serions pas juges ; mais parties. Les nobles sentiments qui accompagnent un acte ne prouvent rien au sujet de la valeur de cet acte : malgré un état d’élévation très pathétique, l’artiste peut accoucher d’une très pauvre chose. » — On ne sait pas même s’il ne faudrait point pousser jusqu’à dire que ces impulsions de la conscience «sont trompeuses». Elles peuvent l’être ; elles « peuvent détourner notre regard, notre force de jugement critique, nous détourner de la précaution, du soupçon que nous pouvons faire une bêtise » ; elles peuvent « nous rendre bêtes ».

Les hommes sont illogiques. Il est bien entendu, d’un consentement à peu près unanime, que nous ne sommes pas responsables de nos rêves. Pourquoi donc ? « Rien ne vous appartient plus en propre que vos rêves ; rien n’est davantage votre œuvre. Sujet, forme, acteur, spectateur, dans ces comédies vous êtes tout vous-même, et tout est vous-même. » C’est dans le rêve que le moi sans alliage peut-être,