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libre arbitre a son père et sa mère dans la fierté et dans l’orgueil humain ». — Il y a à remarquer que cette théorie du libre arbitre a quelque chose, inconsciemment peut-être, mais a quelque chose « d’antireligieux. » Sa prétention c’est de « créer à l’homme un droit de se prendre pour condition et pour cause de ses actes supérieurs ». Elle est donc, à proprement parler, une « forme du sentiment de fierté croissante ». Voici son processus : « L’homme sent sa puissance, son bonheur, comme on dit. Il faut bien qu’en face de cet état sa volonté soit en jeu ; autrement il lui semble que puissance et bonheur ne lui appartiendraient pas. La vertu, c’est donc la tentative de considérer un fait de volonté, dans le présent ou dans le passé, comme un antécédent nécessaire à chaque sentiment de bonheur élevé et intense. Si la volonté de certains actes est régulièrement présente dans la conscience, on peut prévoir qu’un sentiment de puissance en sera l’effet. » Or ceci est une illusion, assez naturelle, de notre amour-propre ; c’est un « jeu d’optique de la psychologie primitive » ; cela provient toujours de « la fausse supposition que rien ne nous appartient, à moins que ce ne soit sous forme de volonté dans notre conscience. Toute la doctrine de la responsabilité est attachée à cette psychologie naïve, à savoir que la volonté seule est