Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/171

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mais « ce fut apparemment ceux qui ne possédaient pas et qui désiraient posséder qui ont établi cet usage courant dans la langue. — Ils ont toujours été les plus nombreux. — Ceux qui, au contraire, sur ce domaine ont été favorisés par beaucoup de possession et de satiété ont bien laissé échapper de temps en temps une invective contre « le démon furieux », comme disait cet Athénien, Sophocle, le plus aimable et le plus aimé de tous ; mais Éros se mettait toujours à rire de pareils calomniateurs, justement ses plus grands favoris. »

On pourrait poursuivre ainsi la revue de toutes les passions, de toutes les inclinations et de toutes les vertus, qui sont, de l’aveu unanime, le cortège, la cour, la maison, la famille, les enfants de l’altruisme et qui ne sont au fond, qui ne sont en réalité que déguisements ou peut-être, et c’est ce qu’on en peut dire de plus favorable, des transformations de l’égoïsme. À quoi bon, puisque La Rochefoucauld l’a fait ?

Seulement, voici le point. La Rochefoucauld a fait son analyse des substitutions de l’égoïsme pour les flétrir en les ramenant à l’égoïsme, l’égoïsme étant pour lui chose condamnable et haïssable et à proscrire. Ce n’est pas cela. La vérité est que l’égoïsme est détestable en ses substitutions, déguisements et, si l’on veut, transformations ; mais