Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/185

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serait indifférente[1]. Ce n’est pas la qualité de la foi et de la piété qui nous distingue des hommes pieux, c’est la quantité ; nous nous contentons de peu. Mais, nous répondront ceux-ci, s’il en est ainsi, soyez donc satisfaits et aussi donnez-vous pour satisfaits. À quoi nous pourrions facilement répondre : mais, en effet, nous ne faisons point partie des mécontents ! Mais vous, si votre foi vous rend bienheureux, donnez-vous aussi pour tels… »

Il faut donc reconnaître que dans la vertu qui semble consister dans l’exclusion même de l’égoïsme, que dans la vertu qui porte pour nom précisément abolition de tout égoïsme, il entre tant d’égoïsme encore qu’on se demande si cette vertu n’est pas l’égoïsme lui-même, et, après cet exemple assez frappant et les conclusions légitimement tirées de cet exemple, il semble que nous n’ayons plus besoin d’aller plus loin et que nous devions convenir que les vertus, pour parler le langage commun des hommes, sont des formes subtiles de l’égoïsme, des hypocrisies de l’égoïsme et des dégradations de l’égoïsme. Elles ne sont pas bonnes, en ce que, masquant l’égoïsme, elles le gênent et, travestissant l’égoïsme, elles l’embarras-

  1. Souligné par Nietzsche.